Contrats incompréhensibles, audits impromptus,… certains éditeurs de logiciels peuvent aller loin.

Deux affaires récentes en témoignent.
Dans un jugement opposant Oracle et l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), le tribunal de grande instance (TGI) de Paris a condamné les pratiques de l’éditeur (jugement du 6 novembre 2014).
Suite à un appel d’offres, l’AFPA utilisait depuis 2002 la solution d’Oracle, intégrée par la société SOPRA. ORACLE avait livré les CD et les codes nécessaires à l’installation des logiciels.
En 2005, l’AFPA a de nouveau recours à un appel d’offres auquel Oracle soumissionne. Dans le même temps, l’éditeur réalise un audit afin d’évaluer l’utilisation faite par l’AFPA de ses logiciels. L’audit est suspendu dans l’attente des résultats de l’appel d’offres. Les résultats de l’appel d’offres tombent et Oracle n’est pas sélectionné.

Les ennuis commencent pour l’AFPA qui utiliserait 885 copies du logiciel Purchasing sans disposer des licences correspondantes. Pour l’AFPA, ces licences ont été livrées en 2002 par SOPRA dans le cadre du contrat. Oracle avait à l’époque fourni les CD d’installation des suites logicielles. qui comprenaient Purchasing et savait donc que le client utilisait ces logiciels.
Après des négociations infructueuses, Oracle assigne l’AFPA en contrefaçon de logiciel et lui réclame 12 millions d’euros.
Oracle soutient que l’AFPA n’aurait pas les droits d’exploitation du logiciel Purchasing.
L’AFPA considère que le logiciel Purchasing était inclus dans la suite logicielle prévue dans le contrat. Si tel n’est pas le cas, l’association considère que le contrat a été exécuté de bonne foi dans la mesure où le logiciel a été implanté par la société SOPRA, à l’époque mandataire des sociétés Oracle…

Le TGI a choisi de trancher le litige en se plaçant sur le terrain de l’inexécution contractuelle (la violation d’un contrat) et pas de la contrefaçon (la violation des droits d’auteur d’Oracle). Ce choix est surprenant.

En tout cas, les juges ont condamné l’opacité de la politique de licence d’Oracle en considérant que « l’AFPA exploite le logiciel Purchasing sans aucune faute puisqu’il a été inclus dans les CD préparés par les sociétés Oracle elles-mêmes qui ont donc toujours compris et admis que le contrat incluait l’exploitation de ce logiciel ».
Le tribunal va plus loin en retenant qu’Oracle a fait pression sur son interlocuteur afin d’obtenir de nouveaux contrats, « et à défaut use de l’action en justice pour obtenir paiement de sommes importantes »…

La sanction est lourde, et comme on pouvait s’y attendre, Oracle a fait appel du jugement.

Comme l’AFPA, la société Carrefour s’est récemment opposée à une demande de régularisation de licences par Oracle. Carrefour a refusé d’exécuter les scripts de contrôle, outils de l’audit, fournis par Oracle en invoquant le risque pour la sécurité et la confidentialité de ses données. L’éditeur a donc fait une estimation de sommes à régulariser par son client, qui s’est opposé à tout paiement. Face à ce double refus (audit et paiement) Oracle a attaqué Carrefour en référé. Deux points essentiels ressortent de l’ordonnance de référé du président du tribunal de grande instance de Nanterre du 12 juin 2014 : Carrefour a le droit de ne pas exécuter les scripts litigieux et Oracle a obtenu une expertise judiciaire.

La leçon à retenir de ces décisions ? Les contrats des éditeurs de logiciels ne sont pas faits pour être compris. L’important est de tenir bon lors des négociations de vos contrats et de porter une attention toute particulière au périmètre des licences qu’ils contiennent. Pour aller plus loin, voir notre précédent article de bonnes pratiques à adopter.

La date de publication de cet article est :  02/03/2015 . Des évolutions de la loi ou de la jurisprudence pouvant intervenir régulièrement, n’hésitez pas à nous contacter pour plus d’information. 

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