A quelles conditions un prestataire, ou son client, peut-il s’appuyer sur la force majeure pour éviter l’application d’un contrat ?

La force majeure est un événement qui permet un signataire de contrat d’échapper à ses obligations, temporairement ou définitivement.

 

C’est une théorie relativement ancienne que l’on trouve d’ailleurs aussi dans les pays de droit anglo-saxon, d’ailleurs sous le même nom de « force majeure ».

 

Jusqu’en 2016, la force majeure était une théorie jurisprudentielle, ce qui signifie qu’il n’y avait pas de texte et que le régime juridique été façonné au fur et à mesure des décisions de justice. L’étape la plus récente avait été une série d’arrêts de la Cour de cassation en 2006 qui avaient d’ailleurs donné lieu à des interprétations différentes.

 

Depuis 2016, cette théorie a été insérée dans le Code civil à l’article 1218.

 

Pour pouvoir invoquer la force majeure, il faut faire face à un événement extérieur, imprévisible et irrésistible. Reprenons ces conditions.

Tout d’abord, l’événement doit être extérieur. Dans le cas de l’épidémie de Covid-19 (et ses conséquences avec les mesures décidées par le gouvernement), il n’y aura pas de difficultés sur cette condition.

Ensuite, l’événement doit être imprévisible. Autant une grippe saisonnière de manière générale ou certaines maladies dans des régions précises peuvent être prévisibles (on parle bien de grippe « saisonnière »), autant cet événement de l’apparition du coronavirus sera probablement aussi considéré comme imprévisible. La question se discutera néanmoins puisque par définition, l’humanité a toujours été frappée par des infections, des épidémies et des maladies. Pour l’instant, la jurisprudence est plutôt sévère à l’égard des entreprises qui veulent utiliser la notion de force majeure dans le cas d’une épidémie (cour d’appel de Nancy, 1ère chambre, 22 novembre 2010, n° 09/00003), mais cette pandémie du Covid-19 est d’une ampleur inédite. On peut donc raisonnablement supposer que quand la question sera soumise aux tribunaux (car il y aura des contentieux sur ce sujet), ce caractère imprévisible sera probablement retenu.

Enfin, et c’est la condition la plus difficile à remplir, l’événement doit être irrésistible. Et le caractère irrésistible doit non seulement être présent ponctuellement, mais aussi sur le plus long terme. Il paraît logique que l’activité d’un prestataire informatique, par exemple soit perturbée pendant quelques jours par les mesures décidées par le gouvernement. Mais dans les prestations intellectuelles, où de nombreuses activités (pas toutes néanmoins) peuvent faire l’objet de télétravail, ce sera la condition la plus difficile à prouver. On peut penser que l’activité la plus sérieusement perturbée de manière irrésistible sera celle des opérateurs de télécommunications et des data centers. Au titre des mesures gouvernementales, les salariés de ces activités seront probablement autorisés à continuer leur activité. Il y a même toute une réglementation à ce sujet, celle relative aux organisations d’importance vitale.

 

En résumé, si l’activité du prestataire est gravement perturbée, la jurisprudence admettra probablement le décalage dans le temps de délais de livraison de briques logicielles ou de sites Web ou d’application de Smartphone. En revanche, les tribunaux seront certainement plus sévères à l’égard d’une entreprise qui n’aurait pas mobilisé tous les moyens pour faire face à ces difficultés ou, pire encore, qui s’en servirait pour échapper à ses obligations.

 

Toute l’équipe de Nouveau Monde Avocats reste mobilisée à vos côtés pour analyser les contrats en vigueur et vous aider à traverser cette période difficile.

Mise à jour du 14 avril 2020 : la cour d’appel de Colmar a déjà rendu le 12 mars 2020 une décision qui qualifie l’épidémie de Covid-19 de cas de force majeure. J’ai déjà lu quelques commentaires de cette décision, mais je dois insister sur son autorité faible sur les prochaines décisions (en ce sens qu’elle ne fixera sûrement pas la jurisprudence des prochains mois). En effet, cet arrêt a été rendu par un seul juge, dans un contentieux particulier (le droit des étrangers), et sur un seul point, celui de la procédure. Dans cette affaire, la cour d’appel a accepté que la personne qui avait fait le recours ne pouvait pas être extraite du centre de rétention des étrangers pour être amenée devant la cour pour l’audience.

La date de publication de cet article est :  16/03/2020 . Des évolutions de la loi ou de la jurisprudence pouvant intervenir régulièrement, n’hésitez pas à nous contacter pour plus d’information. 

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