Peut-on prouver n’importe quoi, n’importe comment ? Dans l’ère du numérique, tout est facilement enregistré, espionné, partagé ou manipulé … mais la justice ne prend pas tout pour argent comptant. Le critère décisif ? La loyauté.

Pour l’avocat, la preuve est le nerf de la guerre mais tous les coups ne sont pas permis. En effet, il est une solution constante qui veut qu’en matière civile (Tribunal de Grande Instance, Conseil des Prud’hommes, Tribunal de Commerce etc.), un principe général de loyauté, s’appuyant sur l’article 9 du Code de Procédure Civile et l’article 6 de la Convention Européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, interdit l’utilisation de preuves dites déloyales. Ces preuves sont obtenues par des moyens illicites : enregistrement de conversation privées, surveillance clandestine, etc.

La Cour de Cassation, dans sa formation plénière empreinte de la plus haute autorité, vient de réaffirmer son attachement solennel au principe de loyauté de la preuve. Il s’agissait en l’occurrence de trancher sur le point de savoir si la loyauté de la preuve s’appliquait de façon absolue  devant l’Autorité de la concurrence (une juridiction d’exception compétente pour les infractions relatives aux pratiques anticoncurrentielles). Des dirigeants de Philips et Sony étaient mis en cause dans une affaire d’entente illicite qu’ils avaient reconnue dans une conversation téléphonique privée.

L’affaire avait connu la résistance de la Cour d’appel, c’est donc par un attendu lapidaire que la Cour de cassation casse la décision des juges du fond. Les enregistrements téléphoniques illicites et autres preuves déloyales n’auront donc plus leur place devant l’Autorité de la Concurrence. Dans son communiqué de presse, la Cour étend son raisonnement : le principe de loyauté de la preuve « participe pleinement à la réalisation du droit fondamental de toute partie à un procès équitable et s’applique en tout domaine ».

Dans le domaine du droit de l’informatique et des nouvelles technologies, cette solution aura de lourdes implications pour l’avocat devant l’Autorité de la Concurrence qui devra prendre toutes les précautions techniques et juridiques (recours à l’huissier notamment) pour appuyer ses accusations. Pour l’avocat de la défense, c’est dès aujourd’hui qu’il pourra arguer de la nouvelle position de la Cour de cassation et exiger que l’on applique à son client les règles de preuves jusque-là réservées aux juridictions civiles.

Cette décision marque donc un progrès indéniable dans la généralisation des principes du procès équitable. Pour l’avocat et son client, c’est la (future) garantie que l’Autorité ne pourra pas s’appuyer sur des manœuvres techniques déloyales et autres piratages pour prendre sa décision. C’est aussi un appel aux professions judiciaires pour plus de rigueur et de sérénité dans les batailles de prétoires.

Toutefois, la loyauté de la preuve est toujours mise à mal devant le juge pénal (qui admet tout indice provenant de tiers voire de témoins), ce que rappelle la Cour dans son communiqué de presse. On trouve peut-être là l’explication de la plainte déposée par Renault pour espionnage industriel …

La date de publication de cet article est :  28/01/2011 . Des évolutions de la loi ou de la jurisprudence pouvant intervenir régulièrement, n’hésitez pas à nous contacter pour plus d’information. 

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